LA VIE SUR MARS


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LA VIE SUR MARS

par

L'Abbé Th. Moreux

Directeur de l'Observatoire de Bourges

1924


[7]

I - Visions télescopiques

O nuit ! que ton langage est sublime pour moi, 
Lorsque, seul et pensif, aussi calme que toi, 
Contemplant les soleils dont ta robe est parée, 
J'erre et médite en paix sous ton ombre sacrée! 
DE FONTANES. 
Encore une fois, Mars est passé près de la Terre : 55 millions 700 mille kilomètres seulement nous ont sépare de notre voisine de l'espace. C'était le moment favorable pour l'observation de la planète, et nombre d'astronomes ont [8] pu de nouveau consacrer leurs nuits à l'étude de ce que l'on est convenu d'appeler «l'Enigme martienne».

En réalité, lorsque par un ciel pur, alors que tout sommeille sur la terre, au milieu du grand silence des choses, le champ du télescope s'illumine de ce disque brillant présentant ses étranges configurations, nul ne peut se défendre d'un sentiment d'ardente curiosité.

Sur un fond obscur, une sphère est là sous vos yeux, qui s'enlève en tons clairs, où se mêlent toutes les couleurs: pôles aux blancs d'argent entourés d'un liseré de saphir, surfaces ocreuses avec des pointes de rouge; tapis reflétant toutes les gammes de vert, depuis celui de la prairie printanière jusqu'aux teintes automnales des feuilles mortes; estompages gris-cendré, ou bleu-ardoise, bistres foncés, rayures azurées, tout est réuni pour le plaisir des yeux, pour la joie du rêveur, mais aussi, hélas ! pour le désespoir du peintre qui désire fixer sur la toile ce tableau céleste d'une incomparable splendeur. Il faut avoir contemplé cette vision, avoir constaté la rotation de ce globe suspendu dans le vide et déroulant sous nos yeux éblouis les détails de sa topographie, pour comprendre avec quelle acuité les questions de toutes sortes, à ces moments de rêve, affluent en notre esprit.

[9] Quelle interprétation donner à ces tons infiniment variés, à cette cartographie bizarre pour nos yeux de terriens ?

Ce monde voisin possède-t-il des mers analogues à nos océans; ces contours qui nous sont devenus familiers et que nous voyons à peu près tels quels aux époques où Mars se rapproche de nos instruments, ces lignes sinueuses, tantôt largement dessinées, parfois découpées en fines dentelures, tout cela représente-t-il les rivages de continents surélevés où l'érosion a marqué sa séculaire empreinte?

Mars possède-t-il une atmosphère; et si oui, cette couche aérienne est-elle respirable? Serions-nous en présence d'un monde à jamais éteint comme notre satellite, la Lune; ou bien d'un astre s'ouvrant à la vie? Mars, en un mot, est-il habitable et pourrions-nous vivre sur cette terre du ciel, réplique peut-être de la nôtre?

Lancée dans cette voie, pourquoi notre imagination s'arrêterait-elle ? Mars serait-il donc habité ? La vie serait-elle déjà apparue là-bas et perpétuerait-elle son emprise ? S'il faut en croire les cosmogonistes, Mars serait beaucoup plus ancien que la Terre; née plus tôt sur un monde plus petit, la vie aurait évolué là-bas plus rapidement que chez nous? Alors où en est-elle ? Les êtres vivants placés sur ce séjour ont-ils atteint dans leur évolution vers le mieux,[10] vers l'idéal et le parfait, un état plus avancé que le nôtre ? Pensent-ils comme nous ? S'occupent-ils de littérature, de science et de religion ? Se battent-ils entre eux, comme nos peuples terriens, pour se disputer la prédominance sur terre et sur mer; et alors, où en sont-ils des moyens perfectionnés de s'entre-tuer ? Ont-ils, comme les Allemands, inventé les obus asphyxiants, les bombardements contre les villes paisibles, la destruction systématique des temples ? Y a-t-il là-haut des nations maritimes, toujours prêtes à prêcher le désarmement, mais qui continuent pour leur propre compte à entretenir de formidables flottes de guerre ? Et s'ils sont plus avancés que nous dans la science, peut-être nous observent-ils avec des instruments d'une puissance colossale ? Les lueurs éphémères aperçues de temps à autre sur ce monde lointain, ne seraient-elles pas des signaux qu'il nous envoie ?... à moins que les Martiens n'essaient de[s] moyens de communications plus étranges et que nous soupçonnons à peine : Ondes hertziennes puissantes affectant nos postes de T.S.F.; vagues calorifiques lancées à travers l'espace, rayons inconnus déclanchant les pires perturbations au sein de l'écorce terrestre. Je n'exagère rien. L'année I924 a vu se dérouler de fréquents cataclysmes : tremblements de [11] terre, cyclones, manifestations électriques intenses, rien n'a manqué; eh bien, nombreux sont les esprits qui, de bonne foi, ont attribué ces anomalies à notre fâcheux voisinage des Martiens.

Evidemment, nous avons mieux à faire que de nous arrêter à ces fadaises, mais le monde n'a guère changé depuis Fontenelle.

Toutefois, la Science a progressé et c'est à elle de refréner notre imagination et de nous rappeler à la réalité, tout au moins à la vraisemblance. Ce sont donc les savants qu'il nous faut interroger; à eux de nous dire ce qu'ils ont constaté sur la planète qui nous occupe. Les astronomes qui, depuis longtemps, possèdent des méthodes pour peser les mondes, doivent avoir des moyens de déceler leur atmosphère, de fixer à leur surface les conditions de la vie, d'évaluer leur température superficielle, etc., etc...

Vous le voyez, il s'agit ici d'une enquête sérieuse et qui doit être menée sans parti-pris, avec toutes les ressources que la science moderne tient à notre disposition. Etudions donc les conditions sous lesquelles Mars se présente à nous, aux époques les plus favorables. Tout le monde sait que Mars vient après la Terre, dans l'ordre des distances au Soleil. Notre planète trace son orbite à I49 400 000 kilomètres de l'astre central, alors que Mars circule beau- [12] coup plus loin, à 227 637 500 kilomètres; l'intervalle entre la Terre et notre voisine est donc de 78 millions de kilomètres en chiffres ronds, lorsque les deux planètes se trouvent du même côté dans l'espace par rapport au Soleil. (V. fig. 1 et 2). Mais ces chiffres ne sont que des moyennes; les orbites planétaires ne sont pas des circonférences; elles sont elliptiques; il s'ensuit que, de ce fait, Mars et la Terre peuvent passer beaucoup plus près l'une de l'autre; à leurs oppositions périhéliques, la distance minima atteint à peine 56 millions de kilomètres; et c'est ce qui est arrivé en l'année 1924. Le disque de Mars s'offrit alors à nos yeux avec un diamètre apparent de 25 secondes d'arc. C'est peu, mais si nous l'observons avec un pouvoir amplificateur de 325, le diamètre de la planète vaut 4 fois celui de la Lune vue à l'¦il nu 1; et Mars nous apparaît dans le télescope comme un disque équivalent en surface à 16 pleines Lunes. Le nombre de détails qu'on y peut remarquer est donc théoriquement considérable. Mais pratiquement, nous allons voir que l'astronome se heurte à des difficultés presque insurmontables.

[13] On se figure généralement dans le grand public, qu'il suffit de se procurer une grosse lunette et de la braquer sur les mondes planétaires pour y apercevoir des merveilles. C'est là une très grave illusion. La vision télescopique [14] suppose des conditions rarement réalisées et il ne faudrait pas la confondre avec l'étude au microscope. Le microbiologiste opère dans une chambre fermée, sur des images qui ne dansent pas et avec l'éclairage qu'il désire.

[15] Hélas ! nous autres astronomes, qui observons à ciel ouvert, nous sommes loin de ces commodités. Notre grand ennemi, c'est l'atmosphère. Le moindre courant d'air passant devant l'objectif, fût-il même à une grande hauteur, trouble les images télescopiques; le disque de la planète présente alors des irrégularités changeantes et si vous avez observé un objet à travers la couche d'air chaud s'élevant d'un poêle, vous pouvez vous faire une bonne idée du phénomène.

Ce bouillonnement particulier des images s'exagère encore à mesure qu'on opère avec des lunettes d'objectif plus large, si bien que, tout compte fait, le nombre des nuits utilisables avec un grand instrument, est toujours moindre que si l'¦il est armé d'un objectif de moyenne puissance.

C'est pour cette raison que les astronomes d'antan cherchaient pour la construction des observatoires, les hauts sommets et les grandes altitudes. En fait, lorsqu'on s'élève de 4 à 5 mille mètres dans les airs, on diminue de moitié la densité de la couche aérienne, mais alors surgit un autre inconvénient. Dès la nuit tombée, l'air chaud des vallées monte à l'assaut des sommets, glisse sur les pentes et vient troubler les images télescopiques. Les aviateurs ne l'ignorent pas; ils fuient les remous causés par la topographie mou- [16] vementée d'une région montagneuse. Dans ces conditions, un observatoire juché sur le Mont Blanc, comme l'avait essayé Janssen autrefois, est un mythe. Même de faibles sommets comme le Puy-de-Dôme, sont impropres aux observations astronomiques et le raisonnement s'applique aux observatoires situés aux flancs des vallées ou sur les côtes maritimes.

On n'a pas tenu compte de ces conditions, qu'on soupçonnait à peine autrefois, lorsqu'on a bâti la plupart des observatoires français, qu'une loi organique a liés à nos Facultés, et c'est grand dommage. Peu d'observatoires en France sont placés dans les conditions requises pour faire de l'astronomie planétaire.

En fait, le calme des images ne se rencontre qu'au-dessus des plaines ou des hauts plateaux.

J'ai entendu souvent médire de l'Observatoire de Paris, et il a été plusieurs fois question de lui chercher un autre emplacement; eh bien, n'en déplaise aux auteurs du projet, peu d'endroits sont aussi favorables que Paris pour les observations d'astronomie physique. L'atmosphère très dense, parfois brumeuse de la capitale vaut cent fois mieux que celle des environs, dont la topographie tourmentée et pittoresque crée des courants de convection fort gênants pour les observateurs.

[17] Au foyer de nos grandes lunettes, les planètes sont tellement lumineuses que la diminution de clarté résultant d'un fort grossissement, n'est jamais un obstacle à l'observation, mais, je le répète à dessein, si l'emplacement de l'observatoire n'a pas été spécialement choisi, l'utilisation du pouvoir amplificateur maximum de la lunette demeure quasi impossible.

Il y a un moyen, pensera-t-on : c'est de diaphragmer l'objectif. Dès ce moment, en effet, les images deviennent plus nettes, mais c'est au détriment des détails visibles. On démontre en effet, en Optique, que le pouvoir séparateur d'un objectif, c'est-à-dire celui de distinguer de fins linéaments situés l'un près de l'autre, dépend du diamètre de la lentille. Il résulte de ce fait qu'avec un objectif donné, on ne peut pas augmenter indéfiniment le grossissement; et qu'enfin ce dernier diminue très vite à mesure qu'on restreint volontairement l'ouverture de l'instrument.

Un objectif de 1 mètre de diamètre peut comporter des grossissements de 2000 fois environ, pour les planètes; or, en raison du trouble des images, il est extrêmement rare qu'on puisse employer un pouvoir dépassant 600 fois. Dans les conditions même les plus favorables, la vision télescopique n'est pas aussi aisée qu'on pourrait le croire et ce que je vais dire s'applique également aux études micrographiques.

[18] Pour apercevoir des détails souvent à la limite de visibilité, il faut un ¦il très expérimenté et j'estime ‹ pour avoir fait cet apprentissage ‹ qu'on ne commence vraiment à bien voir, dans une lunette ou un télescope, qu'après une quinzaine d'années d'entraînement.

Notez qu'on peut faire de l'astronomie sans cela : on peut photographier le ciel, user du spectroscope, calculer des étoiles doubles, aligner des équations sans posséder un ¦il entraîné; et c'est ce que font bon nombre d'astronomes; mais celui qui désire observer les planètes, doit perfectionner son acuité visuelle et apprendre à voir les détails.

Cette particularité m'avait toujours paru étrange au point de vue physiologique, et je m'expliquais mal ce qui pouvait se passer en la circonstance. Je m'en suis ouvert bien des fois à des ophtalmologistes éminents, mais ce n'est que tout récemment que j'eus la clef du mystère.

Pour que deux lignes parallèles soient distinguées l'une de l'autre, elles doivent former sur la rétine deux images distantes de 4 microns2, grandeur égale au diamètre des bâtonnets, c'est-à-dire des éléments fonctionnellement indivisibles de la rétine : semblable distance correspond à un angle de 1 minute ou 60 secondes.

[19] Or, en bien des cas, un ¦il entraîné peut distinguer des lignes plus rapprochées et dont l'écartement correspond à I,5 micron, soit à 20 secondes d'arc. Comment cela se peut-il ? Tel est le problème qui a été résolu récemment par M. Basler3.

«Supposons, en effet, que deux lignes soient assez voisines l'une de l'autre pour que l'¦il n'en distingue qu'une seule. Puis rapprochons les encore davantage. L'¦il distingue parfaitement le mouvement et cela ne peut s'expliquer qu'en admettant que le phénomène se passe aux limites de deux éléments rétiniens; alors que l'un cesse d'être influencé, l'autre commence à l'être, fait qui crée une différence qualitative et perceptible très inférieure au diamètre d'un élément.»

D'après Basler, qui a étudié de très près le phénomène, l'acuité visuelle varie avec les peuples et les individus; elle n'est au fond qu'une sorte d'entraînement à distinguer le mouvement de deux points séparés par un faible intervalle.

Et en fait, j'avais remarqué depuis longtemps, en observant les planètes ou les fins linéaments des taches solaires, que les images m'offraient beaucoup plus de détails si, au lieu de me servir d'un équatorial mû par un mouvement d'horlo- [20] gerie «auquel cas l'astre paraît immobile dans le champ» je laissais l'objet étudié marcher d'un bord à l'autre de ce même champ de la lunette. A cette qualité, je dirai «sportive», puisqu'il s'agit d'entraîner ses yeux, s'en ajoute une autre rarement réalisée. L'astronome qui désire faire ¦uvre utile en étudiant les planètes, doit être bon dessinateur et cela se conçoit aisément. Il ne suffit pas de voir, en effet, il faut dire ce que l'on voit, et aucune phrase ne saurait mieux rendre un aspect que le dessin. Or, à ce point de vue, rien n'a été institué dans les observatoires pour favoriser cet art si long et si difficile à acquerir.

Dès lors, en arrive-t-on à étudier les planètes Mars ou Jupiter, on s'empresse de noter, en un croquis souvent fort imparfait, les détails aperçus. Le dessin ainsi obtenu est si lamentable que son auteur même se refuse à le livrer à la publicité et qu'il éprouve la plupart du temps le besoin d'en confier l'exécution à plus habile que lui. J'ai connu dans cet ordre d'idées, un Directeur d'Observatoire qui faisait exécuter tous ses dessins par ses astronomes adjoints successifs. Celui qui a travaillé l'¦il à la lunette des nuits entières afin de noter les détails souvent fugitifs aperçus dans Mars, par exemple, peut seul apprécier à sa juste valeur un tel système opératoire.

Maintenant, amusez-vous à feuilleter, par exemple, la collection des représentations planétaires, illustrant les Bulletins de la Société Astronomique de France, pour peu que vous sachiez dessiner, vous ne pourrez que déplorer une telle documentation : Au point de vue dessin, c'est tout simplement lamentable.

J'admets quelques exceptions, il s'en trouve partout, mais vous les aurez vite découvertes.

Je me rappelle qu'une année j'avais pu réunir quelques centaines de dessins de Mars se rapportant à une même opposition. Je demandai alors à un peintre de grand talent, membre du jury au Salon de peinture et qui ignorait d'ailleurs tout de la planète en question, de vouloir bien placer ces représentations par ordre de savoir-faire des auteurs; il ne devait tenir compte que de l'art du dessin; mon artiste m'avoua que la plupart des dessins étaient franchement mauvais et à peu près inclassables; mais le plus piquant de l'histoire, et qui nous amusa beaucoup, ce fut de voir arriver bons derniers ceux... devinez... du fameux astronome américain Lowell, dont nous aurons plus d'une fois à rappeler les extravagantes théories.

Ainsi, non seulement beaucoup d'astronomes ne savent pas voir, faute d'un entrainement suffisant, mais à cette défectuosité professionnelle, ils ajoutent une ignorance à peu près totale du [22] dessin. Voilà ce que le public ne doit pas ignorer, instruit sur ce point, il comprendra mieux le peu de valeur qu'il faut attacher aux observations qui pullulent dans les journaux, aux moments où tel ou tel astre est en vue. Pour Mars, en particulier, il existe à peine quatre astronomes en France qui soient dans les conditions requises pour donner une appréciation exacte de faits par eux constatés; beaucoup d'entre eux répètent ce qu'ont vu certains collègues et n'ont observé la planète dont ils parlent qu'en de rares occasions, en amateurs et par pure curiosité.

Vous comprenez maintenant que l'étude d'une planète demande des soins minutieux, des conditions souvent difficilement réalisables, en tout cas une persévérance longue et laborieuse.

«Qu'à cela ne tienne, direz-vous; n'avons-nous pas la photographie pour nous venir en aide.» Oui, eh bien, parlons-en. Je vous accorde qu'au foyer de puissants instruments, les images de la Lune sont assez grandes pour que les détails enregistrés soient de nature à nous rendre de signalés services; mais ces